L’augmentation du soutien fédéral aux organismes de formation permettra de sauver plus de vies.
Auteur : Martin Gangnier, PDG du Bureau national, Ambulance Saint-Jean.
Ambulance Saint-Jean est une organisation humanitaire internationale créée au Canada en 1883, dont la mission est de permettre aux membres de la population canadienne d’améliorer leur santé, leur sécurité et leur qualité de vie par l’entremise de formations, d’enseignements, de ressources et de services à la communauté.
Au cours des dernières années, les termes de crise et d’épidémie sont entrés dans le vocabulaire canadien à la suite d’une succession d’urgences de santé publique. Dans un contexte où les retombées de la COVID-19 s’atténuent, une autre crise sanitaire a pris de l’ampleur de manière constante : la crise des opioïdes au Canada.
Depuis plus de dix ans, les ressources de première ligne et les communautés de tout le Canada luttent contre la crise de l’intoxication aux opioïdes. Santé Canada rapporte que plus de 36 000 décès par intoxication aux opioïdes sont survenus entre janvier 2016 et décembre 2022. En 2022, on a dénombré 7 328 décès. Avant la pandémie, le nombre moyen de décès associés aux opioïdes était de 10 par jour au Canada; aujourd’hui, ce nombre a doublé.
Pour les communautés autochtones, la réalité est souvent pire. Des chiffres récents fournis par la Confédération des Premières Nations du Traité n° 6 de l’Alberta révèlent que les peuples autochtones de cette province sont sept fois plus susceptibles de succomber à une intoxication aux opioïdes. Les chefs signalent que les taux de mortalité ont grimpé en flèche depuis que la province a procédé à la fermeture des sites de consommation sécurisée.
Derrière chacun de ces chiffres se cache l’histoire tragique d’une personne aimée. Dans certains cas, celles-ci étaient aux prises avec la consommation de substances et avaient trop honte pour en parler. Pour d’autres, le traitement dont elles avaient besoin était inaccessible.
Ces chiffres constituent également un appel urgent aux gouvernements, à tous les échelons, pour qu’ils examinent la manière dont les organisations non gouvernementales du pays se mobilisent pour lutter contre la crise des opioïdes et sauver des vies.
Les organismes de formation communautaires, les groupes d’intervention de première ligne et les bénévoles jouent un rôle essentiel dans cette bataille. Ils (elles) voient les conséquences de l’épidémie d’opioïdes et la façon dont elle affecte leurs communautés au quotidien.
Pour apporter des changements positifs, il convient avant tout d’éliminer les obstacles à l’accès aux renseignements et aux ressources qui peuvent directement améliorer les chances de survie en cas d’intoxication aux opioïdes.
Pour enrayer cette crise de santé publique, les provinces doivent donner la priorité au partage d’outils, de formations et de connaissances avec tous les types d’organisations communautaires. Cette approche permettra de sauver des vies, et elle commence par l’offre de cours gratuits sur la manière d’intervenir en cas d’intoxication aux opioïdes et d’administrer de la naloxone par voie nasale.
Avec le soutien du Programme sur l’usage et les dépendances aux substances (PUDS) de Santé Canada, Ambulance Saint-Jean offre des formations et facilite l’accès à la naloxone nasale pour la population canadienne. Notre rôle consiste à former et à outiller les organisations et les particuliers pour leur permettre de réagir de manière rapide et sécuritaire aux intoxications aux opioïdes.
Nous pouvons et devons faire plus. Si chaque échelon de gouvernement a un rôle à jouer dans la lutte contre la crise des opioïdes, le gouvernement fédéral est particulièrement bien placé pour mobiliser une intervention à l’échelle du pays. Cette démarche permettrait à tous les territoires d’avoir accès aux ressources et aux renseignements critiques nécessaires pour sauver des vies. En renouvelant le financement du PUDS de Santé Canada, le gouvernement fédéral peut accroître son soutien aux organismes de formation et permettre à un plus grand nombre de personnes de réagir aux intoxications aux opioïdes dans leurs communautés.
À compter du 1er juin 2023, le gouvernement de l’Ontario a légiféré afin que les lieux de travail qui savent, ou devraient raisonnablement savoir, qu’un(e) employé(e) risque de subir une intoxication aux opioïdes disposent d’une trousse de naloxone et d’une personne au sein du personnel ayant suivi une formation. Au moins un(e) employé(e) de ces entreprises doit donc être capable de réagir et d’administrer de la naloxone par voie nasale. Cette loi est la première du genre en Amérique du Nord et constitue une étape importante pour sensibiliser les personnes consommant des opioïdes, réduire la stigmatisation et sauver des vies.
Mais cette intervention visant à réduire les méfaits associés aux opioïdes n’est qu’un élément d’une stratégie de traitement plus large dont la réussite a été prouvée. Associée à un accès rapide au traitement et à la guérison, cette stratégie est la plus efficace pour sauver des vies et aider les personnes à se rétablir complètement de leur dépendance aux opioïdes.
Cette approche progressive adoptée par la province de l’Ontario n’a pas encore été adoptée dans d’autres régions. Nous espérons que le reste du Canada observe la situation et adoptera une approche similaire, voire plus globale.
Pour lutter contre la crise des opioïdes, nous devons augmenter le nombre de Canadien(ne)s prêt(e)s à sauver une vie en rendant la formation sur l’intervention en cas d’intoxication aux opioïdes et les trousses de naloxone plus accessibles. La crise des opioïdes est complexe, mais sauver des vies ne le sera pas si les régions du Canada se concentrent sur la réduction de la stigmatisation, le renforcement de la capacité à intervenir rapidement en cas d’intoxication aux opioïdes et la simplification de l’accès au traitement, y compris à l’administration de la naloxone nasale.
Il s’agit d’un tournant déterminant dans cette crise de santé publique. Le renouvellement du financement fédéral peut aider les provinces et les territoires à suivre l’exemple de l’Ontario. Nous savons ce qu’il faut faire pour mieux maîtriser la crise des opioïdes. Il est maintenant temps que tout le Canada se joigne à la lutte.